Militantisme, Formation, Convivialité
Par Hugo Savary-Lys
Cette étude se concentre sur les 10% des communes les plus précaires en Île-de-France. Cela représente 72 communes. L’objectif est de comprendre comment ces villes ont voté lors des élections municipales de 2020. À travers les différents partis politiques, nous allons poser des hypothèses appuyées par des statistiques socio-économiques pour décrypter le vote des électeurs.
Les Républicains sont l’un des deux grands partis vainqueurs, avec le Parti Socialiste, de ce scrutin des élections municipales 2020. À l’échelle de l’Île-de-France, LR obtient de bons résultats. Le parti obtient ses meilleurs résultats dans le département rural de Seine-et-Marne. En effet, les communes de Meaux, Nangis, Nemours et Provins ont choisi un maire Les Républicains. Des figures importantes de ce parti sont élues dans ce territoire, comme Jean-François Copé à Meaux et Christian Jacob qui fut élu à Provins. Ces communes ont globalement la même typologie socio-spatiale: elles sont urbanisées, pauvres et éloignées de Paris. Parmi les communes étudiées, aucune en Seine-et-Marne n’a élu un maire de gauche ou écologiste. À part Nangis, qui était communiste en 2014, toutes ces villes sont de droite depuis de nombreux mandats. La Seine-et-Marne est un département plus agricole qu’industriel, cela peut expliquer pourquoi ces communes votent à droite. Il n’y a pas de culture de gauche dans ce territoire, car il n’y a jamais eu beaucoup d’ouvriers (une catégorie socio-professionnelle qui a tendance à voter à gauche). À l’inverse le monde agricole a pu faire apparaître une culture de droite. Les agriculteurs constituent une catégorie socioprofessionnelle qui a tendance à voter davantage à droite que les autres. (CF ifop présidentielle 2017)
Le parti Les Républicains a des maires élus dans certaines villes de Seine-Saint-Denis. Un département pourtant marqué à gauche. On peut citer notamment: Villepinte, Aulnay-sous-Bois et Le Blanc-Mesnil.
La sociologie de ces communes peut nous expliquer les raisons de leur vote pour LR.
La principale raison est que les habitants ont un mode de vie davantage accès sur des équipements individuels. Ce mode de vie s’incarne entre autre à travers la propriété d’une maison et l’utilisation de la voiture. Les Républicains incarnent parfaitement ce mode de vie individuel ce qui explique les résultats de ces villes pour le parti de droite. (CF tableau 1)
Dans ces trois communes la plupart des ménages paient des impôts, et un certain nombre sont propriétaires de leur logement. Les électeurs ont certainement été séduits par le discours tenu par Les Républicains concernant «le matraquage fiscal» des classes moyennes et populaires et sur l’accession à la propriété.
Le Parti Communiste Français a connu des résultats contrastés lors des élections municipales 2020. Malgré de bons résultats en apparence, le PCF perd de nombreuses grandes villes, principalement en Île-de-France. A l’issue des élections municipales, la ceinture rouge du PCF n’existe plus.
Le parti communiste est très implanté dans les communes les plus populaires. En effet la majorité des maires communistes le sont depuis plusieurs mandats. Parmi les villes les plus pauvres d’Île-de-France en 2020 quatre sont communistes alors que ce chiffre était de six en 2014. Les villes avec un édile du Parti Communiste sont des communes avec un passé industriel, par exemple Bobigny ou La Courneuve. Les électeurs communistes par opposition aux électeurs Les Républicains ont un mode de vie davantage accès sur des équipements collectif. Ils habitent dans des appartements (notamment des HLM) et se rendent aux travail grâce aux transports en commun. Le PCF a un discours extrêmement favorable à l’égard de ces populations. Il propose la création de nouveaux HLM et la gratuité des transports en commun.
La proposition d’augmenter les minimas sociaux et la hausse du SMIC séduit également ces personnes marquées par l’extrême pauvreté.
Les socialistes ont réalisé un bon résultat pendant les municipales 2020, notamment en Île-de-France.
Toutes les mairies du Parti Socialiste sont géographiquement proche. À l’exception de Sarcelles, toutes les communes socialistes se situent au nord-ouest de Seine-Saint-Denis. Le Parti Socialiste a des maires élus dans des communes populaires. Les élections municipales de 2020 ont permis au Parti Socialiste de renouer avec les classes populaires. Cependant les villes avec des maires socialistes connaissent quasiment toutes des phénomènes de gentrification ou de «boboïsation». (CF tableau 2) Certaines villes avec un maire communiste connaissent aussi ce type de phénomènes, comme par exemple Montreuil.
Au niveau de la région Île-De-France, le Rassemblement National a des résultats très décevants. Le parti de Marine Le Pen a perdu l’ unique ville conquise en 2014, Mantes-la-Ville. Seulement quelques conseillers municipaux du RN ont été élus, principalement en Seine-et-Marne.
Parmi les 72 communes les plus précaires en île-de-France, seulement six sont centristes. Cet échec au niveau régional est corrélé au résultat national du parti présidentiel et de ses partenaires. Cela s’explique évidemment par la politique fiscale et sociale du gouvernement en faveur des personnes les plus aisées.
Les écologistes sont également les grands absents dans ces villes. Aucun maire écologistes n’a été élu dans les 10% des communes les plus pauvres d’ Île-de-France. La «vague verte» n’a pas eu lieu dans les 72 communes les plus précaire en Île-de-France. Cela nous montre bien que les écologistes ne parlent pas aux classes les plus précaires.
Les villes les plus précaires en Ile-de-France ont des profils sociologiques très variées. Cela explique pourquoi les électeurs se sont tournés vers des partis politiques différents. Les résultats nationaux sont proches des résultats régionaux, le Parti Socialiste et Les Républicains ont obtenu de bons scores quand ceux de la République En Marche et leurs partenaires sont médiocres.
Tableau 1: L’ opposition entre mode de vie individuel et collectif en Seine-Saint-Denis (Insee 2017)
Aulnay-sous-Bois | Blanc-Mesnil | Villepinte | Bobigny | La Courneuve | Stains | |
Part des ménages fiscaux imposés (en %) | 47 | 42 | 48 | 35 | 29 | 34 |
Propriétaire (en %) | 46,7 | 40,7 | 57,6 | 27,1 | 24,9 | 30,2 |
Maisons (en %) | 41,6 | 37,3 | 49,2 | 18,3 | 14,2 | 26,7 |
Appartements (en %) | 56 | 61,1 | 49,8 | 77,8 | 84 | 70,5 |
Part de la voiture comme moyen de transport utilisé pour le travail | 47,1 | 46,6 | 56,4 | 31,3 | 28 | 38,3 |
Part des transport en commun comme moyen de transport utilisé pour le travail | 43,5 | 45,6 | 35,8 | 59 | 63,4 | 52,4 |
Tableau 2: La gentrification dans les communes socialistes en Seine-Saint-Denis (Insee, Chambre des notaires de Paris ,2017)
Saint-Ouen | Bagnolet | Pantin | Saint-Denis | |
Évolution du nombre de cadre entre 2007 et 2017 (%) | 143,8 | 46,2 | 57,6 | 76 |
Évolution du nombre d’ ouvrier entre 2007 et 2017 (%) | -10,15 | -9,5 | -11,9 | -5,3 |
Évolution de prix de l’immobilier entre 2015 et 2020 (%) | 52,9 | 36,9 | 32,5 | 24 |